Les Clés de Vénus

Anorexie et vaginisme : même combat ?

Peut-on établir des liens entre le vaginisme et l’anorexie ?

En suivant une conférence intitulée « Comprendre l’anorexie » (Belgique – 22 octobre 2015), nous avons voulu comprendre si l’on pouvait établir certains points de comparaison entre les troubles complexes que sont le vaginisme et l’anorexie.

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Anorexie et vaginisme : même combat ?

Pourquoi cette “étude” comparative ?

D’abord, nous avons reçu des mails de plusieurs personnes souffrant à la fois de vaginisme et d’anorexie. Celles-ci s’interrogeaient alors sur le lien entre les deux.

Par ailleurs, le sujet de l’anorexie mentale semblait intéresser bon nombre de personnes sur le forum de soutien et d’entraide consacré aux vaginisme et vulvodynies, chaque personne y allant de son expérience ou de son explication. Voyez plutôt les témoignages ci-dessous en fin d’article.

Enfin, ces réflexions faisaient écho à mon expérience personnelle : ma sœur – de deux ans mon aînée – ayant été anorexique durant plusieurs années. Nous avons vécu la même enfance, dans un même contexte familial. Elle a souffert d’anorexie, je souffre de vaginisme ; cela ne peut pas être un hasard d’après moi.

Je suis donc allée écouté cette conférence consacrée à l’anorexie avec mon regard de femme vaginique, en notant les différents points qui semblaient se retrouver dans les deux pathologies. Par conséquent, il va sans dire que cette étude comparative n’a rien de scientifique.

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Définitions, fonctionnement, généralités

Dès l’introduction de la conférence, les termes employés par les oratrices me parlent : on définit l’anorexie mentale comme un PROCESSUS lent, quelque chose qui met du temps à s’installer et qui n’arrive pas du jour au lendemain.

On insiste également sur la nécessité de prendre en charge le trouble le plus rapidement possible.

Dans sa définition-même, le vocabulaire résonne en moi : l’anorexie – comme le vaginisme – est un trouble mental d’origine psychogène et avec des répercussions physiques (amaigrissement, disparition des règles,…). Ici aussi, il s’agit d’un SYMPTOME d’un mal-être psychique. Or, l’alimentation (comme la sexualité ?) constitue un domaine privilégié d’expression des problèmes émotionnels.

Très vite, la notion de PEUR entre en scène dans la conférence. L’anorexie se définit comme une peur : celle de s’alimenter et de prendre du poids. Au-delà de celles-ci, d’autres peurs peuvent entrer en jeu : peur d’étouffer, peur d’être contaminée par les aliments, peur de manger des aliments mauvais pour la santé, peur des vomissements.

La peur est bien évidemment centrale également dans le trouble du vaginisme : peur de la pénétration et de la douleur liée à celle-ci en premier lieu. Ensuite, on retrouve aussi des peurs sous-jacentes : peur de la grossesse, de l’accouchement ou de la maternité, peur des maladies transmissibles, peur du sexe masculin ou de ce que l’homme représente, etc.

L’anorexie et le vaginisme seraient donc tous deux une RÉACTION d’évitement, une réponse à une gestion difficile des émotions, un besoin de contrôle pour se protéger. Pour une anorexique ou une vaginique, abandonner ce contrôle serait synonyme de mise en danger.

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Causes

L’oratrice précise qu’il n’est pas toujours obligatoire de trouver la cause de la pathologie, d’autant que les causes sont souvent MULTIFACTORIELLES.

On retrouve également cette idée pour le vaginisme. Très souvent, les femmes qui souffrent de cette pathologie passe énormément de temps à analyser leur comportement ou leur enfance afin de comprendre ce qui a pu déclencher ce blocage. Parfois en effet, comprendre comment celui-ci est apparu permet de mieux le traiter.

Néanmoins, le plus souvent, les causes sont tellement diverses, les éléments tellement imbriqués les uns dans les autres qu’il est difficile de pointer du doigt LE responsable.

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Répercussions

L’anorexie a des répercussions importantes sur la vie familiale et sociale. On constate un REPLI progressif et l’apparition de nouveaux rituels au fur et à mesure que s’installe la maladie : excuses pour ne pas être présente à telle occasion, évitement, mensonge,…

Ceci me parle aussi en matière de vaginisme : la femme qui en souffre peut se sentir mal à l’aise en société lorsque sont évoqués les sujets de la sexualité ou de la grossesse. Sont alors mises en place des réactions d’évitement : quitter un repas de famille lorsque les discussions autour de la maternité débutent, mentir lorsque le sujet de la sexualité est abordé entre copines, etc.

On retrouve chez l’anorexique un côté obsessionnel : petit à petit se crée une FIXATION sur son poids, la nourriture, certaines parties de son corps. La vaginique aussi construit progressivement son monde autour de son trouble jusqu’à en oublier parfois qu’elle est une femme avant d’être une vaginique. Dissocier les deux, replacer le trouble à sa juste place font parties du processus de guérison.

L’anorexique est souvent confrontée à un DÉNI de la maigreur. La vaginique peut aussi avoir tendance à nier le trouble. Avant de prendre à bras le corps les douleurs et d’entamer des exercices ou une thérapie, il n’est pas rare de mettre en place une véritable politique de l’autruche : « ça va passer », « c’est parce que c’est le début », « je n’ai pas si mal », comportement parfois accentué par les réactions de gynécologues non informés – nous y reviendrons…

A terme, on remarque aussi de part et d’autre des sentiments tels que : honte, culpabilité, manque de confiance en soi, perte d’estime de soi, hypersensibilité face aux critiques.

Comme pour le vaginisme sans doute, le fait de vivre sans une société nourrie de paradoxes n’aide pas…En effet, notre société met sans cesse en avant le bien manger, la santé, l’alimentation équilibrée (« mangez cinq fruits et légumes par jour », « bougez »,…). Pourtant, cette société dans laquelle nous vivons est une société de surabondance. Idem en matière de sexualité : il faut faire l’amour x fois par semaine, il faut être un bon coup, il faut jouir… Le sexe est omniprésent dans les médias mais les douleurs sexuelles qui touchent environ 20% des femmes au cours de leur vie sont pourtant passées sous silence.

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Importance de la relation au corps, comportement

On remarque chez les femmes souffrant d’anorexie et de vaginisme une mauvaise PERCEPTION DE L’IMAGE DU CORPS : il y a un fossé entre l’image réelle et l’image émotionnelle (ce qu’elles ressentent dans leur corps).

L’anorexique éprouve des difficultés à se reconnaître maigre tandis que la vaginique voit souvent son sexe comme minuscule et fermé (et à contrario le sexe masculin comme étant énorme).

L’oratrice met également en avant une forte EXIGENCE de l’anorexique par rapport à son corps avec un besoin de contrôle, un refus de l’échec (« céder à ma faim serait un échec du point de vue du contrôle de moi-même ») et une personnalité souvent perfectionniste. On retrouve ces notions dans le cas des femmes vaginiques.

Un point très important se retrouve tant chez l’anorexique que chez la vaginique : il s’agit de l’AMBIVALENCE au niveau de son comportement. Ces troubles peuvent être considérés par certains comme des caprices, des lubies auxquelles il serait facile de remédier, « il suffit de » (manger dans le cas de l’anorexique, se détendre dans le cas de la vaginique).

Néanmoins, il ne suffit pas de savoir, ni de vouloir. Ces pathologies ont en commun un aspect involontaire, INCONTROLABLE : « Je me rends compte que j’ai un problème mais j’ai peur de guérir ».

L’anorexie et le vaginisme sont des PROTECTIONS, des réactions d’évitement. Par conséquent, amorcer un changement, lâcher du lest signifie se retrouver sans défense. Ainsi, donner à ces femmes des injonctions de type « Prenez du poids ! » ou « Détendez-vous ! » n’a pas de sens : la peur panique qui entoure ces femmes les rend logiquement réticentes au changement, et donc à la guérison. Ce qui peut donner aux personnes ne souffrant pas de ces troubles (et même, plus grave, à certains professionnels de la santé…) le sentiment que ce sont des femmes « capricieuses », qui ne veulent pas vraiment guérir.

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Prise en charge

La prise en charge dans les cas d’anorexiques est une prise en charge au LONG COURS : entre 2 à 5 ans d’après les oratrices. Pour le vaginisme, cela diffère énormément d’une patiente à l’autre. Pour certaines, un travail rapide de perception du corps (via une sexothérapie) ou l’insertion d’un doigt peut être un déclic et suffire à déclencher la guérison. Pour d’autres, il faudra plus de temps et plusieurs thérapies.

Durant la conférence, on insiste aussi sur la nécessité d’une prise en charge PLURIDISCIPLINAIRE face à la complexité du problème : prise en charge médicale, psychologique, familiale, diététique, corporelle. Cette complexité résulte notamment de l’imbrication des différentes éléments, telle une pelote de laine à démêler, le tout enfermé dans un cercle vicieux.

Tout ceci est exactement identique dans le cas du vaginisme, excepté la notion de famille qui peut être remplacée par celle de « couple », si couple il y a.

Cette prise en charge pluridisciplinaire met notamment l’accent sur l’aspect psycho-corporel : travailler à la fois l’ESPRIT et le CORPS grâce aux efforts conjugués du psychologue et du kinésithérapeute. Il est communément admis que c’est également cette prise en charge groupée (thérapie psy et/ou sexo + rééducation périnéale) qui donne de très bons résultats dans le cas du vaginisme.

La prise en charge psychologique mise sur trois objectifs dans le cas de l’anorexie :

  • Travailler sur la réappropriation des sensations alimentaires
  • Intégrer la patiente dans un engagement motivationnel et travailler sur les croyances erronées point de vue alimentation : « qu’est-ce que cela va m’apporter d’aller au-delà de cette peur ? », « Va-t-il vraiment m’arriver toutes ces mauvaises choses si j’amorce un changement ? »,…
  • Réapprendre à la patiente à être moins anxieuse, à accepter les déceptions, les frustrations, à les gérer différemment ; lui permettre de retrouver une relation positive avec le corps.

On retrouve exactement les mêmes visées dans le travail avec une vaginique : remplacez simplement les termes liés à l’alimentation par d’autres liés à la sexualité.

Dans un cas comme dans l’autre, la prise en charge corporelle avec un kinésithérapeute permet quant à elle de réduire l’anxiété et de se réapproprier les perceptions du corps via des massages (et la rééducation périnéale dans le cas du vaginisme), de la relaxation, des exercices en miroir. Un travail est également possible avec des outils tels que l’hypnose, la pleine conscience, la sophrologie,…

L’oratrice insiste sur le fait qu’il existe une interaction entre la maladie et la dynamique familiale. La maladie perturbe l’équilibre familial et entraine des tensions, de la culpabilité, des incompréhensions,… Il est donc important d’inclure la famille en thérapie et de se poser des questions telles que « Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans la relation et comment dépasser la difficulté ? »

Ici aussi, un parallèle peut être fait en remplaçant la famille par le couple, dans le cas où la femme vaginique serait en couple. L’équilibre au sein du couple est évidemment mis en péril avec la présence du vaginisme, et les tensions et sentiments dont il est question se retrouvent aussi ici. L’inclusion du partenaire dans le processus de guérison est donc un élément essentiel.

Enfin, le rôle des ASSOCIATIONS est également mis en avant avec leurs actions de soutien et d’écoute (groupes de paroles, permanences téléphoniques,…).

En tant que membre de l’association Les Clés de Vénus, cet aspect me parle particulièrement puisqu’un travail de soutien et d’information est réalisé quotidiennement par les bénévoles.

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Perspectives d’avenir et conclusion

Les oratrices insistent toutes les trois sur la nécessité de faire bouger les choses en matière de prise en charge, des techniques à exploiter, de la formation des professionnels de la santé, de remboursement des soins,…

Ici aussi, le combat semble être le même en ce qui concerne l’anorexie ou le vaginisme : il reste bien des choses à faire pour améliorer la prise en charge des femmes souffrant de ces troubles…

Encore une fois, cette courte analyse n’a rien de scientifique, il s’agit simplement d’une présentation de l’anorexie mentale basée sur une conférence donnée par trois professionnelles de la santé, retranscrite avec mon vécu de femme vaginique et membre de l’association Les Clés de Vénus.

Notre souhait est qu’à l’heure où les mémoires et travaux de recherche commencent à fleurir en matière de vaginisme, un professionnel de la santé prenne le relais et puisse faire une véritable étude comparative scientifique de ces deux troubles.

 

Les témoignages lus sur le forum d’entraide et de soutien

Pour moi c’est définitivement un tout : corps-esprit. Je crois par exemple que l’anorexie est un symptôme qu’on pourrait peut-être classer dans la même “famille”. Un rapport au corps (physique et émotionnel) perturbé …

 

Tu sais, souvent, un problème psychologique va se manifester chez une personne sous plusieurs formes. Je pense qu’il n’est pas anodin que tu aies souffert d’anorexie et ensuite de vaginisme.

 

Moi je dirais plutôt que le contrôle dans le vaginisme c’est la volonté de se contrôler dans le plaisir, c’est donc ne pas se laisser aller. (…) Le point commun [avec l’anorexie] est la culpabilité. Je mange donc je me sens coupable, j’ai du plaisir donc je me sens coupable.

 

Ce soir en discutant avec une amie, j’ai compris quelque chose concernant ce blocage. Mes parents ne m’ont jamais parlé de la sexualité. C’était quelque chose de tabous. Même avoir un petit ami était tabou. Je suis rentrée au lycée et je me sentais différente de toutes ces filles très à l’aise sur ces sujets, très libérées. Pour moi, c’était inimaginable, mes parents me donnant une image négative de la chose, je ne pouvais pas me transformer en femme, d’où l’anorexie, d’où ce blocage. Mes parents voulaient certainement me protéger, garder leur petite fille. Avec du recul je pense que mon éducation y est pour quelque chose…

Aujourd’hui , où en suis je dans ma tête ? Sincèrement, je ne sais pas, je ne me sens pas vraiment femme. Lorsque mon ex m’appelait sa femme , je ne me reconnaissais pas, je me sens plus fille que femme, alors je ne sais pas s’il faut que je guérisse pour me sentir femme ou s’il faut me sentir femme pour guérir…

 

Je sais dans le fond que je ne pourrai pas m’en sortir seule mais je n’arrive pas a faire le premier pas, à aller voir des médecins, ou des sexologues, dans le fond le fait de dire que le temps me manque est certainement une excuse bidon, mais j’arrive pas à entamer les démarche, comme d’entamer les démarches pour soigner mon anorexie, et j’ai l’impression dans le fond que je me complais dans cette situation, que ce soit pour mon anorexie, ou mon vaginisme.

 

Je me trouvais trop grosse et j’ai attaqué un régime… Il a duré des années car j’ai basculé progressivement dans l’anorexie mentale. La perte de poids est devenu pour moi quelque chose d’indispensable à mon bien-être personnel : c’est devenu obsessionnel, je voulais être mince et contrôler mon corps. J’ai littéralement fondu, jusqu’à en avoir les os saillants… C’était un contrôle permanent de mon alimentation, et plus je perdais du poids, plus j’étais satisfaite car j’avais gagné un pari sur moi-même, j’irais même jusqu’à dire que c’était jouissif…

Là où je fais le lien avec le vaginisme, c’est qu’une fois que j’ai réussi à surmonter mes obsessions d’anorexique et très progressivement à reprendre une alimentation “normale” (ou du moins acceptable), que j’ai trouvé l’amour (en la personne de mon cher et tendre), et que donc j’ai eu légitimement envie de faire l’amour avec lui, là, blocage et problème de vaginisme… Avec le recul (et l’explication est peut-être tirée par les cheveux je vous l’accorde…), je pense qu’avec l’anorexie je contrôlais mon corps comme je l’entendais, c’est moi qui décidais, j’étais le maître du jeu en quelque sorte ; avec le vaginisme, mon corps a dit non et s’est refusé (malgré pourtant ma volonté) de s’ouvrir et d’accepter la relation sexuelle avec mon ami. Une sorte de rébellion en fait…

 

Pour avoir eu des amies anorexiques, même si je ne l’ai pas été moi même, je pense que le lien est assez clair, ce passage de l’anorexie au vaginisme. Beaucoup de gens pensent que l’anorexie c’est simplement une lubie de nana qui se trouve grosse ; mais c’est un système en soi l’anorexie ; contrôler son poids, contrôler son corps, être plus forte que son corps et la faim … j’ai même observé que parfois les anorexiques, sans manger elles-mêmes, devenaient de vrais tyrans avec leurs proches, leur faisait à manger, voulait prendre en charge la cuisine … L’anorexie de ma mère s’est calmée à mesure que son obsession du ménage et de l’ordre s’est atténuée.  En gros : le CONTROLE.  De la même manière que le vaginisme peut avoir comme cause une volonté de contrôler sa sexualité, inconsciente.

 

Ceci dit, quand on y réfléchit, ça me semble tout de même assez lié : que ce soit dans le cas du vaginisme ou de l’alimentation, il s’agit bien de “pénétration d’un corps étranger” dans notre corps… Je connais pas vraiment l’origine de mes 2 troubles, mais je pense vraiment qu’ils sont reliés d’une manière ou d’une autre.

 

Je pense plutôt que c’est une forme de mal être et les deux (le vaginisme et le TCA) sont des conséquences de celui-ci.

 

Je ne sais pas vraiment si le vaginisme et les TCA sont liés, mais ces deux pathologies sont sans aucun doute liées à une personnalité anxieuse et une névrose d’angoisse…

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